Le dernier grand nom de la chaussure de Romans détenu par Mirabaud Patrimoine Vivant et placé en RJ ce printemps a été repris à la barre du tribunal par l’américain Titan qui reprend 59 des 137 salariés et débourse 700 K€.
Par Anne Joly
Décidément, Clergerie n’aura plus vraiment trouvé chaussure à son pied après le départ de celui qui l’avait fondé au début des années 1980, Robert Clergerie. Cédée plusieurs fois, la dernière marque de souliers encore fabriqués à Romans, berceau de la chaussure française, n’a plus refait surface depuis longtemps, même pas depuis sa reprise en 2020 par Mirabaud Patrimoine Vivant lequel, selon une source proche du dossier, aurait perdu 15M€ dans l’affaire. Placé en redressement judiciaire en avril dernier, la marque qui réalisait une vingtaine de millions d’euros de ventes mais affichait un Ebitda négatif depuis des lustres vient d’être reprise par Titan Footwear . L'offre de l'américain était « la seule option permettant d’éviter la liquidation sèche » selon les juges du tribunal de commerce de Paris qui avait ouvert une procédure de redressement judiciaire fin mars, assortie d’une période d’observation de six mois.
700 K€ + 6,5 M€
Le groupe américain de quelque 50 M€ de chiffre d’affaires et piloté par Joe Oaknine débourse 700 K€ pour prendre le contrôle des trois entités qui assuraient la conception, la fabrication et la commercialisation des chaussures Clergerie et 59 salariés, soit 45 % des effectifs. Selon nos informations, Titan serait actuellement en négociations avec le tribunal afin d’augmenter le périmètre social de la reprise. L'américain, qui s’est mis tardivement sur les rangs, « a également prévu dans un premier temps d’investir 6,5 M€ pour relancer l’activité et la marque dans l’objectif de s’appuyer sur Clergerie pour créer un Louboutin bis », selon son avocat, Laurent Azoulai, associé du cabinet T&A Associés. Le groupe américain qui « met l’accent sur les chaussures de haute couture » et exploite les licences Badgley Mischka, L'agence, Daniel Diamond et Dee Ocleppo « a exprimé la volonté de conserver ce savoir-faire à la française » et de maintenir une partie une production en France », précise l’avocat. « Il est pour l’instant question de renforcer l’outil industriel à Romans-sur-Isère et de fournir à Clergerie les savoir-faire qui lui manquent en s’appuyant sur les centres de production du groupe en Espagne ou en Asie. »
Depuis plus de 40 ans aux pieds des femmes
Créé en 1981, Clergerie s’est fait une renommée avec des chaussures de caractère, portées par des femmes qui ne dédaignent ni les semelles compensées, ni les plateformes crantées, ni les gros talons,… Robert Clergerie avait cédé sa société une première fois en 1996 avant de la reprendre en 2005, alors qu'elle était en piteux état (sous mandat ad hoc) et lui, en retraite. En 2011, le fondateur avait finalement décidé de la confier au géant chinois de l’habillement Li&Fung, associé à un ancien de LVMH qui avait « fait le pari de rebâtir une histoire basée sur un savoir-faire et une marque 100 % Made in France» avant de la céder au fonds animé par Renaud Dutreil en 2020. Le fabricant drômois réalisait alors quelque 20 M€ de chiffre d’affaires avec 200 salariés et avait annoncé son intention, il y a un an, de bâtir une usine 4.0 pour ses marques de chaussures Clergerie et Heschung. Sans doute était-il déjà trop tard pour la marque qui n’a pas résisté à la crise sanitaire, à la hausse des matières premières et de transport sans réussir à trouver un accord avec les partenaires financiers et les créanciers publics avec lesquelles elle avait engagé des discussions.